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La campagne anglaise. Ses verts de toutes les couleurs. La veille du départ du pensionnat. Pourquoi la veille ? Je ne saurai jamais. Tout le monde dormait. Il s’est glissé dans mon lit. Ou pas glissé. Je ne saurai jamais puisque je dormais. Ses mains sur le haut de mon dos. Ses mains froides sur le haut de mon dos chaud. Puis ses mains chaudes sur mes fesses froides. J’ai toujours les pieds et les fesses froids. Il paraît que c’est de famille. Ça ne fait pas mal, ça me soulage à l’endroit où ça me gratte. Souvent je me mettais le doigt là quand ça me grattait. Ça me fait mal. Puis la douleur fait place à un va-et-vient agréable et très vite un lac de montagne se répand en moi.

La cloche sonne et me réveille. Je m’étais rendormi.

Dans le train, je frissonnais en sentant ses mains sur mon dos. Mes petits camarades du compartiment se portaient bien, cravates nouées, lacets serrés.

Gare du Nord, tout est normal. André m’attend, casquette et gants noirs prêts à prendre mes valises. Maman l’a accompagné.
– Mon chéri, comment vastu ?
– Ça va bien. Tout est normal.
Tout est calme. Tout est riche. Bien sûr que mon chéri va bien. Comment n’irait-il pas bien, il s’est juste fait défoncer le cul à douze ans par un surveillant qui ne l’avait jamais regardé. Mais sinon, tout va bien. Personne ne le sait. Il n’en parlera pas. Il ira mettre un bermuda noir pour le dîner. Le gris est un peu débraillé.

[…]